Dans deux conférences qui se complètent bien, l’une sur la ‘technique’ (1953), l’autre sur la ‘chose’ (1950), Heidegger s’interroge sur les conditions de la vie moderne. Il ne diabolise pas les moyens techniques, mais pointe avec lucidité l’aveuglement et l’aliénation où peut mener la fascination qu’exercent les commodités apportées par la maîtrise technologique de l’univers. L’homme risque de se fermer aux interrogations profondes qui seules peuvent éveiller en lui une attention aux dimensions essentielles du réel. Il faudrait donc nous convertir à une autre attitude pour goûter la présence, dans les choses simples et sacrées de nos vies, des quatre pôles entre lesquels se jouent l’énigme même du réel : la terre, le ciel, les divins et les mortels. L’analyse de la cruche proposée à ce propos par Heidegger est célèbre.
Ce cours ne se conçoit pas comme une introduction générale à sa pensée. Mais une lecture commentée des pages les plus importantes des deux conférences mentionnées nous confrontera aux grands thèmes de son œuvre : les questions de l’être, de l’humain, du sacré, les interrogations sur le temps présent, l’importance du métier de la pensée dont la piété consiste justement à ‘questionner’. Et il ne faut pas être heideggérien pour être sensible aux problématiques et aux enjeux dont traitent ces méditations, devenues peut-être aujourd’hui plus actuelles que jamais.
Par ailleurs, une extrême attention au langage caractérise le style propre de la pensée de Heidegger. Les traductions françaises peinent à rendre les jeux de mots qui parsèment son écriture, elle-même inspirée par des termes grecs qui ont perdu à jamais leur évidence première. De ce point de vue, lire Heidegger demeure un exercice philosophique profitable, quelles que soient notre affinité avec sa manière et les questions critiques que nous aimerions poser.
Référence bibliographique :
Les deux conférences sont réunies dans le recueil Martin Heidegger, Essais et Conférences, Gallimard, collection Tel, 1980 (toujours disponible)