Quelle perfection en cette vie ? La question est centrale au début de la controverse antipélagienne. Pour les Pélagiens, l’homme peut être sans péché. À cette thèse, Jérôme oppose que tous les hommes sont pécheurs. La réponse d’Augustin est plus nuancée : il estime que l’homme peut être sans péché avec la grâce de Dieu, mais qu’il n’existe de fait aucun homme sans péché. Augustin déplace de la sorte le centre du débat : l’important est de reconnaître le rôle essentiel de la grâce ; on peut admettre qu’il soit possible à un homme d’être sans péché en cette vie, si Dieu lui en donne la grâce. Il en résulte une autre conception de la perfection : être parfait en cette vie, ce n’est pas être sans péché, mais y tendre avec la grâce de Dieu, tout en reconnaissant toujours son imperfection. La perfection de l’homme en cette vie est celle de l’homme en chemin qui sait qu’il n’est pas encore arrivé au terme.
Nous examinerons d’abord la position de Pélage dans la Lettre à Démétriade, une jeune fille à laquelle il propose un programme de perfection. Nous étudierons ensuite deux traités d’Augustin rédigés au début de la controverse antipélagienne. Dans le livre II de Salaire et pardon des péchés, Augustin soutient à la fois qu’il n’y a en cette vie aucun homme sans péché et que cela est pourtant possible avec la grâce de Dieu et le libre arbitre de l’homme. Ce paradoxe suscite une question de Marcellinus, à laquelle Augustin répond en rédigeant L’Esprit et la lettre, un traité qui met en lumière le rôle de la grâce et du libre arbitre au principe de tout acte bon et au principe même de l’acte de foi.
L’étude de quelques sermons fera voir plus concrètement comment Augustin comprend la perfection en cette vie. Dans le Sermon Dolbeau 30, où il retrace les débuts de la controverse, il souligne la nécessité de la prière pour obtenir la grâce d’accomplir les commandements, au lieu de penser que l’on peut y arriver par ses propres forces. Dans les Commentaires des Psaumes 38 et 61 « pour Idithun », il esquisse, à travers la figure d’Idithun, dont le nom signifie « celui qui les dépasse », la manière dont le chrétien, membre du Corps du Christ, dépasse tout le créé, mais aussi tous ceux qui lui veulent du mal, en mettant sa sécurité en Dieu, afin de s’élever jusqu’à la contemplation du Verbe.
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Grâce, progrès spirituel et perfection selon saint Augustin
